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« Les changements climatiques, la pollution et la consommation
en hausse de coquillages et poissons font de la ciguatera
une menace globale grandissante »
En quoi les Gambierdiscus sont-elles emblématiques Quel va être son rôle dans les préconisations
des problèmes engendrés par les microalgues toxiques ? qui sont ressorties de ces ateliers ?
Les Gambierdiscus sont des microalgues qui vivent sur, ou à De ces ateliers regroupant chercheurs, gestionnaires et experts
proximité, des fonds des mers et des océans, principalement de plus de 30 pays sont ressortis des recommandations d’ordre
le long des côtes des milieux tropicaux et subtropicaux. Ces scientifique pour une optimisation des méthodologies utilisées, et
microalgues sont particulièrement intéressantes car plus de 15 opérationnel pour de meilleures stratégies de gestion de surveil-
espèces distinctes ont été identifiées à ce jour, certaines près de lance alimentaire et sanitaire au niveau régional et global. L’AIEA
1 000 fois plus toxiques que d’autres, et qui plus est, différentes pourrait assister ses États membres dans la mise en œuvre de
selon qu’elles poussent dans l’océan Indien, dans le Pacifique ou certaines de ces recommandations, en renforçant les capacités
dans les Caraïbes. Mais ce qui les singularisent le plus des autres des États les plus affectés telles que les petits États insulaires,
microalgues toxiques est certainement leur impact sur la santé par la production de matériaux de références et la validation de
humaine : ces microalgues de quelques dizaines de micromètres méthodes d’analyses, en continuant la recherche pour mieux
dont les efflorescences ne sont pas visibles à l’œil nu, sont res- comprendre comment les toxines s’accumulent dans les orga-
ponsables du plus grand nombre d’intoxications alimentaires non nismes, et pour maximiser l’impact technique de ses projets, en
bactériennes, et ce, au niveau mondial. développant des collaborations stratégiques et des synergies avec
d’autres institutions et agences telles que l’OMS, la COI-UNESCO
ou la FAO. Une stratégie mondiale inter-agence sur la ciguatera
En quoi votre organisme, L’Agence Internationale est d’ailleurs en cours d’élaboration.
de l’énergie Atomique (AIEA), est-il concerné par ce sujet ?
La première implication de l’AIEA dans le domaine des algues
toxiques remonte à 1998, en réponse à la demande d’un État Quel rôle le dérèglement climatique joue-t-il
membre où les toxines algales constituaient une menace conti- dans la propagation de ciguatera ?
nue pour la sécurité sanitaire des aliments. L’AIEA n’a depuis Les espèces d’algues toxiques responsables de la ciguatera,
cessé d’être concernée par ce sujet, répondant à une demande comme toutes espèces vivantes, ont des conditions optimales de
accrue de ses États membres. L’AIEA contribue aujourd’hui au croissance. Ces espèces étaient connues comme des espèces
développement de plus de 40 pays en termes de gestion des tropicales ou subtropicales. Cependant, avec les changements
efflorescences, apportant une aide scientifique et technique pour globaux, et en particulier avec les changements de température
renforcer les capacités de surveillance des microalgues dans l’en- des océans, ces conditions optimales se retrouvent dans des
vironnement et la détection des biotoxines dans les produits de zones des océans et des mers de plus en plus éloignées des tro-
la mer. piques. Les microalgues toxiques responsables de la ciguatera
ont ainsi été retrouvées aux îles Canaries et aux îles Madère, où
des cas d’intoxications par consommation de poissons pêchés
Quelles compétences apporte votre agence ? sur place ont récemment été déclarés.
Les techniques nucléaires et isotopiques sont des outils puissants
pour évaluer les taux de contamination, étudier leurs sources, Les changements climatiques, la pollution mais aussi le fait que de
leur comportement et leurs effets. Par le biais de ses laboratoires plus en plus de monde consomme des coquillages et poissons,
dotés d’équipements expérimentaux les plus performants, et des font que le risque de ciguatera augmente, et que cette menace
scientifiques qui y travaillent, l’AIEA développe des programmes est globale.
de recherche visant à mieux comprendre, par l’utilisation de tech-
niques nucléaires, l’accumulation et le transfert des biotoxines
dans les écosystèmes. Une mission importante de l’AIEA est aussi
de former de nouveaux chercheurs dans ce domaine, nous ac-
cueillons ainsi régulièrement des étudiants et stagiaires. Ces pro-
jets font partie du Programme sectoriel 2 de l’AIEA « Techniques
nucléaires pour le développement et la protection de l’environne-
ment de l’AIEA », et contribuent ainsi à la réalisation des objectifs
de développement durable.