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« Chaque année, la simple destruction des milieux côtiers entraîne l’émission
d’une quantité de carbone équivalente à un milliard de barils de pétrole »
Denis Allemand, Directeur du Centre Scientifique de Monaco
S’ils ne représentent que moins de 0,5 % de la La préservation et la remise en état des écosys-
surface des mers, les écosystèmes marins stoc- tèmes côtiers permettent donc de compenser
kant le carbone, ou « carbone bleu », contiennent des émissions actuelles de combustible fossile
pourtant plus de la moitié des réserves de car- et d’éviter l’augmentation des concentrations de
bone océanique. Composé par les herbiers, les gaz à effet de serre. Pour motiver cette conser-
mangroves et les prés-salés, ils constituent un vation, le développement des mécanismes tels
véritable puits de carbone sur des millénaires que les marchés de carbone est intéressant :
quand la forêt primaire stocke le carbone à les acteurs ont le choix entre l’achat de carbone
l’échelle du siècle. En captant le CO , les milieux sur les marchés financiers ou l’investissement
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côtiers et marins sont donc des alliés indispen- dans la recherche et les énergies non polluantes.
sables de la lutte contre le réchauffement clima- « Aujourd’hui, la prix d’une tonne de carbone est
tique. Les herbiers, qui sont présents sur tous d’environ 8 euros sur les marchés européens »,
les continents - excepté l’Antarctique - s’éten- explique Nathalie Hilmi, économiste de l’environ-
draient sur près de 60 millions d’hectares, contre nement au CSM. « On constate une stabilité des
40 millions d’hectares pour les prés-salés et 15 quotas d’émissions de carbone alors que l’objec-
millions pour les mangroves. « Un seul hectare tif initial était de les diminuer régulièrement, ce qui
d’herbier en bonne santé stocke autant de car- retarde l’impact sur le volume global d’émissions.
bone que quinze hectares de forêt amazonienne » Un prix de la tonne à 30 euros serait certaine-
explique Denis Allemand, Directeur Scientifique ment plus dissuasif sur les émissions de CO ou
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du Centre Scientifique de Monaco. Victimes de motiverait la transition vers les énergies renouve-
la pollution marine, des arrachages mécaniques lables ». Il est encore difficile d’estimer les effets
par les ancres, de la surpêche, ces herbiers sont de ce mécanisme sur la pollution.
pourtant menacés : on estime que 30 % de ces
prairies sous-marines a été détruit en un demi Les études doivent aujourd’hui se poursuivre
siècle. Pire encore est le cas de la surface des afin d’élaborer des mécanismes financiers et ré-
mangroves dans le monde dont la moitié a dispa- glementaires pertinents pour aider les décideurs
ru depuis 1950. politiques à agir, en s’inspirant notamment de
l’expertise acquise par les modèles du « green
La situation est d’autant plus préoccupante que carbon ».
l’on connaît mieux aujourd’hui le service écosys-
témique de séquestration (capture et stockage
à long terme du CO ) de ces puits de carbone
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côtiers et maritimes dans l’atténuation et l’adap- Les herbiers, indicateurs et garants
tation du réchauffement climatique. « Chaque de la bonne santé de l’océan
année, la simple destruction des milieux côtiers
entraine l’émission d’une quantité de carbone
équivalente à un milliard de barils de pétrole »,
rappelle Denis Allemand. Ils fournissent la moitié de la production piscicole mondiale, assurent
le filtrage de l’eau, diminuent les effets de la pollution côtière, favorisent
la sédimentation, la protection des côtes contre l’érosion et limitent les
conséquences des événements climatiques extrêmes.